Prise de parole 14.06.23

juin 14, 2023

Chassot Isabelle (M-E, FR), pour la commission:

A lire le titre de la motion, « Approche genre en médecine. Les femmes ne doivent plus être une exception », on pourrait être surpris de la proposition de la majorité de votre commission de la rejeter – une commission, dois-je le rappeler, majoritairement composée de femmes. Ce rejet s’explique cependant aisément si l’on rappelle l’historique de cette motion et les décisions de principe déjà prises au sujet des choix des programmes de recherche.
Rappelons tout d’abord l’historique. Partant du constat que les différences entre les sexes ne sont pas assez perçues ni prises en compte en Suisse dans le domaine de la recherche et dans la pratique clinique, le Conseil national a adopté, le même jour, deux motions de sa commission de la santé, l’une s’adressant au Département fédéral de l’intérieur (DFI), et chargeant le Conseil fédéral de renforcer la médecine basée sur le genre – c’était la motion 22.3869 -, et l’autre s’adressant au Département fédéral de l’économie, de la formation et de la recherche (DEFR), chargeant le Conseil fédéral d’encourager la recherche en médecine en intégrant une approche fondée sur le genre, notamment en lançant un programme national de recherche – c’est la motion qui nous occupe aujourd’hui, dont seules les lettres a et c ont été acceptées.
Votre Commission de la science, de l’éducation et de la culture a examiné ces deux motions le 30 janvier dernier déjà. Elle avait proposé à l’unanimité d’accepter la motion s’adressant au DFI, mais avait proposé, par 6 voix contre 4 et 1 abstention, de rejeter celle qui nous occupe ce matin. Ces deux motions auraient dû être examinées lors de la dernière session, mais seule celle s’adressant au DFI a pu être traitée et a été acceptée par notre conseil. La motion qui nous occupe ici a en effet dû être reportée, faute de temps pour la traiter. Mais si nous avions pu les traiter l’une après l’autre, les motifs à l’appui de la proposition de rejet seraient immédiatement compréhensibles. Permettez-moi en effet de relever, tout d’abord, que notre commission partage l’avis du Conseil national selon lequel il est important que les AB 2023 S 631 / BO 2023 E 631 maladies spécifiques aux femmes soient identifiées comme telles, que la qualité de leur traitement puisse être garantie et améliorée, et que le savoir dans ce domaine soit développé en continu et transmis aux spécialistes compétents.
Elle vous propose cependant, et cela même un 14 juin, le rejet de la motion pour trois motifs essentiellement.
Tout d’abord parce que ses objectifs, que je viens de vous rappeler, figurent tous dans la motion que nous avons déjà acceptée en mars dernier; il n’est pas utile de les rappeler dans la présente motion.
Ensuite, parce qu’un rapport est attendu très prochainement en réponse au postulat Fehlmann Rielle 19.3910 accepté en 2019, qui examinera dans quelle mesure les femmes sont désavantagées dans les domaines de la recherche médicale, de la prévention et des soins. Ce rapport devrait servir aux différents acteurs concernés pour l’élaboration éventuelle de mesures.
Ensuite, et principalement, parce que votre commission n’entend pas intervenir dans la procédure pour la fixation d’un thème d’un programme national de recherche. Cette procédure suit en effet des règles transparentes et coordonnées, ce qui en assure la reconnaissance nationale et internationale. Ces différentes étapes fonctionnent selon un caractère « bottom-up », de manière ascendante, associant les organes fédéraux, les hautes écoles, ainsi que la société civile, et peuvent compter sur l’expertise des milieux scientifiques. La procédure actuelle, avec ces différentes étapes, permet de lier besoins de la recherche, examen de la faisabilité, expertise scientifique et décision politique, tout en évitant l’écueil de la politisation. La majorité de votre commission ne souhaite pas modifier ces règles qui ont fait leurs preuves. Nous avons déjà eu l’occasion de nous prononcer l’année dernière dans le cadre d’une autre intervention parlementaire qui concernait un programme de recherche contre la maladie d’Alzheimer. Cette position de principe ne doit cependant pas être comprise comme un rejet de l’importance d’une thématique, et pas de cette thématique en particulier, bien au contraire.
Dans son rapport qui date déjà de janvier, compte tenu des reports des délais, la commission se dit au contraire favorable à un programme national sur la médecine intégrant une approche genre. La procédure pour le choix des nouveaux thèmes était en cours à ce moment-là.
Je ne peux aujourd’hui pas parler au nom de la commission, mais j’ai reçu pour ma part avec satisfaction l’annonce faite vendredi 2 juin dernier des décisions du Conseil fédéral au sujet du lancement de quatre nouveaux programmes nationaux de recherche.
Le Conseil fédéral a en effet retenu un PNR intitulé « Médecine, santé et genre » – bien doté, avec 11 millions de francs – qui vise à créer une base de connaissances pour l’intégration des aspects liés au genre et au sexe dans la recherche médicale, la médecine et les soins de santé en Suisse. Les connaissances acquises dans le cadre du programme seront intégrées dans les directives destinées aux acteurs concernés, notamment les médecins et le personnel soignant.
Ce programme national de recherche a un caractère interdisciplinaire marqué et il permettra de fournir des résultats de recherche précieux pour répondre à des enjeux politiques et de société importants – je tenais à le souligner en cette journée du 14 juin. L’on pourrait d’ailleurs même considérer que cette décision récente du Conseil fédéral a pour conséquence que la motion est devenue sans objet.
Je vous invite donc, pour ces différents motifs de fond et de forme, à rejeter la motion.