Cette discrète surdouée de la politique suisse préside la très sensible Commission d’enquête parlementaire sur la débâcle de Credit Suisse. Balade gruérienne avec Isabelle Chassot pour refaire avec la conseillère aux Etats fribourgeoise son parcours exemplaire.
Notre rando avec Isabelle Chassot part de sa petite maison de Charmey (FR) et nous entraîne dans les majestueuses gorges de la Jogne. C’est comme cela, en marchant, que la conseillère aux Etats fribourgeoise nous a proposé de répondre à nos questions, après sa nomination à la présidence de la Commission d’enquête parlementaire sur la faillite de Credit Suisse. Cette politicienne unanimement respectée a pris l’habitude de se ressourcer ici, dans cette verte Gruyère. Ce nouveau mandat sensible la contraint parfois à interrompre ses vacances pour des allers-retours à Berne afin de consulter des documents confidentiels qui ne doivent pas sortir des bureaux. Mais pour cette femme qui se consacre sans compter à la chose publique depuis plus de trente ans, ce genre de sacrifice fait partie de la vie.
– La CEP sur la débâcle de Credit Suisse que vous présidez a commencé son travail il y a plus d’un mois. Ces travaux sont confidentiels. Mais pouvez-vous nous dire tout de même ce que représente pour vous cette responsabilité?
– Isabelle Chassot: C’est un authentique défi. Avant de devenir conseillère aux Etats, j’ai présidé de nombreuses commissions, ainsi qu’un collège gouvernemental comme présidente du Conseil d’Etat fribourgeois. Je connais donc ce genre de conduite. Mais cette CEP est forcément spéciale. D’abord, parce que rien n’existait de manière préalable: ni mandat précis, ni procédure exacte. Nous avons dû mettre en place un secrétariat et établir une méthode de travail. Il a fallu réunir une équipe. Le défi consiste aussi à instaurer un haut degré de confiance entre ces sept conseillers nationaux et ces sept conseillers aux Etats afin de créer une dynamique de groupe fructueuse.
– Présider cette CEP, la cinquième seulement de l’histoire suisse, vous place sur le devant de la scène. Et pourtant, selon une formule utilisée naguère par un journaliste à votre sujet, vous êtes quelqu’un «en vue mais jamais en vitrine».
– Je ne me suis jamais cachée. J’ai toujours pris soin d’être présente auprès des équipes, des collaboratrices et collaborateurs, des organisations et des institutions dans et avec lesquelles j’ai travaillé et leurs publics. Mais se montrer pour se montrer, c’est contraire à ma personnalité. C’est surtout contraire à l’ADN de ce pays, où les institutions sont plus fortes que les individus. Cette spécificité explique en bonne partie la stabilité de notre système politique. C’est peut-être grandiloquent de le dire ainsi, mais quand on est élu par le peuple, la mission est simple: c’est servir le mieux possible avant de disparaître. Et je tiens enfin à conserver une limite très nette entre vie publique et vie privée. Une telle distinction permet à mon avis de durer.