La commission de notre conseil propose à l’unanimité de rejeter la motion. Si elle le fait, ce n’est pas parce qu’elle estime que le thème n’est pas important – bien au contraire -, mais parce qu’elle estime, d’une part, que les autorités ont pris la mesure de l’importance de la lutte contre la traite des êtres humains et, d’autre part, que les mesures décidées mettent les compétences au bon endroit. Pour rappel, la motion, déposée en 2019 déjà, charge le Conseil fédéral de mettre à la disposition des cantons les moyens financiers qui, dans le cadre du plan d’action national contre la traite des êtres humains 2017-2020, leur permettraient d’allouer les ressources nécessaires à la poursuite pénale effective des infractions en matière de traite des êtres humains. La motion faisait en effet référence au deuxième plan national, alors en vigueur, et visait une augmentation immédiate des moyens.
Le Conseil national a adopté la motion en décembre 2020. La commission de notre conseil s’en est saisie une première fois au printemps 2022, mais a souhaité attendre un rapport d’évaluation commandé par l’Office fédéral de la police (Fedpol) concernant la lutte contre la traite des êtres humains dans le contexte cantonal, ainsi que la publication du nouveau plan d’action national pour les années 2023-2027, élaboré par la Confédération en collaboration avec le Réseau national de sécurité. Les informations reçues de la part des responsables de Fedpol et la présentation du plan d’action national pour les années 2023-2027 ont convaincu la commission de notre conseil de la qualité du travail effectué.
Permettez-moi de vous relayer quelques éléments soulignés par la commission lors de sa discussion. Tout d’abord, se fondant sur les conclusions de l’évaluation du deuxième plan d’action, le nouveau plan d’action priorise les mesures en mettant l’accent sur la prévention de l’exploitation de la force de travail, le renforcement de la poursuite pénale, un meilleur soutien des victimes et de leurs droits, ainsi que la formation et la formation continue des acteurs concernés. Il définit pour chacune d’entre elles les responsabilités et le calendrier de mise en oeuvre. Ensuite, le plan d’action accorde une attention particulière à la prévention et à la lutte contre l’exploitation des mineurs. La commission a relevé cet élément de manière positive. Des facteurs comme des conditions familiales précaires ou des rencontres virtuelles exposent en effet les mineurs à un risque accru d’être victimes de traite des êtres humains. Enfin, le nouveau plan d’action bénéficie d’un large soutien politique et a un caractère plus contraignant. Le nouveau plan d’action a en effet été élaboré avec la participation de spécialistes de la Confédération, des cantons et des villes, de la société civile, de l’Organisation internationale pour les migrations et des partenaires sociaux.
Afin de conférer un plus large ancrage politique à cette troisième édition, le Réseau national de sécurité a accompagné tout le processus de conception. Les mesures ont en outre été approuvées par la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales, par la Conférence des directrices et directeurs de justice et police et enfin par le Conseil fédéral. Dernier élément: l’enveloppe financière dévolue au projet a été augmentée afin de permettre à Fedpol de soutenir des projets et des organisations engagées dans la lutte contre la traite des êtres humains. Je l’ai dit: le plan d’action définit les compétences et les responsabilités. Or, les cantons ont pris sous leurs responsabilités l’amélioration de l’effectivité de la poursuite pénale, ce qui par ailleurs correspond à leur compétence. Il serait dès lors très particulier que la Confédération intervienne financièrement dans un domaine de la compétence des cantons, encore plus lorsqu’ils ne le sollicitent pas.
Cela ne signifie pas que la Confédération ne soutient pas les cantons dans la lutte contre la traite des êtres humains. Elle le fait notamment dans le cadre de ses compétences, par la coordination des enquêtes, la garantie des échanges d’informations ou d’autres soutiens logistiques.
Tout est-il pour le mieux? Non, bien sûr que non. Un des enjeux pour la mise en oeuvre du plan d’action sera la priorité que chaque canton lui accordera dans la réalité et l’engagement que chaque canton prendra dans la lutte coordonnée sur le plan national.
Avec l’adoption du nouveau plan d’action national contre la traite des êtres humains, les signaux sont positifs et les progrès sont visibles. C’est donc avant tout pour des motifs de compétence et de responsabilités que votre commission estime que la motion doit être rejetée.
Pour ce qui est de l’importance de la lutte contre la traite des êtres humains, votre commission partage l’avis du Conseil fédéral quant à la nécessité d’une action résolue et elle le remercie pour le nouveau plan d’action.
Je vous prie dès lors de rejeter la motion.